Au-delà des pesticides et parasites, l’économie apicole dans son ensemble menace l’abeille noire. Le projet Beehope tentera de sauver ce patrimoine.
C’est l’espèce la mieux adaptée à nos milieux naturels. Et pourtant, il n’y a plus guère que les conservatoires pour perpétuer, en Europe occidentale, des populations d’abeilles noires au patrimoine génétique quasi intact. Jamais il n’a été aussi menacé par le transfert de gènes d’autres espèces !
L’Apis mellifera mellifera, est menacée par les mutations de l’apiculture contemporaine, qui fait massivement appel à des abeilles importées.
1. L’abeille noire.
« C’est la mieux adaptée à nos climats où elle se débrouille seule. On la trouve encore à 1.300 mètres d’altitude. Économe en hiver, elle sait réguler sa population pour affronter les aléas. C’est une abeille toutes fleurs, qui plus est très performante sur nos floraisons tardives. C’est aussi une abeille peu agressive et plutôt douce. »
Elle tend pourtant à céder le pas devant les abeilles importées, passées de 5 à 48 % entre 2007 et 2012.
En résulte une hybridation génétique naturelle qui s’accélère au détriment du patrimoine génétique adapté et résistant que portait l’abeille noire.
2. Un rapport avec le déclin des colonies d’abeilles mellifères ?
Parasites et pesticides ont été largement mis en cause pour expliquer ce phénomène. Les initiateurs du projet Beehope invitent à explorer une nouvelle piste en s’intéressant aux abeilles sauvages et à l’impact de l’importation.
« On a créé des combinaisons de gènes que la sélection naturelle élimine. Il faut donc se demander si les pertes ne sont pas aussi liées à des pratiques apicoles qui amènent une moins bonne adaptation des colonies à l’environnement » estime David Biron, chercheur CNRS.
3. L’impact d’un brassage génétique qui s’accélère.
La ruche carrée et mobile marque le début d’une nouvelle phase de domestication : la production ne dépendra plus d’abeilles en milieu sauvage, mais de colonies que l’on sait installer et élever. Progrès technologiques, évolution de l’offre et de la demande sur le marché : le brassage génétique n’a plus qu’à s’emballer.
L’ouverture de l’espace Schengen favorise l’importation de reines. Elles arrivent d’Italie, puis du Caucase, des Balkans… C’est maintenant la buckfast, une espèce multi-hybrides sélectionnée qui inonde le marché… et donc le berceau naturel de l’abeille noire !
4. Le cercle vicieux.
Des colonies d’abeilles domestiques qui pouvaient survivre presque sans l’intervention de l’homme sont de plus en plus souvent remplacées par des insectes plus fragiles et dépendants de l’homme, pour leur entretien et leur alimentation.
Et le pire reste à venir si l’on ne s’y intéresse pas : quand bien même des apiculteurs éclairés voudraient travailler avec des abeilles noires au patrimoine génétique préservé, il est de plus en plus difficile de se procurer des couvains !
« Si l’on ne fait rien, d’ici dix ans, on perdra ce patrimoine génétique. C’est un vrai problème écologique qui est posé : soit on “domestique” tout à fait l’abeille et nous aurons des abeilles mellifères qui ne pourront plus se passer de l’homme ; soit on conserve une abeille qui peut survivre seule. »
Beehope : un projet en Auvergne et à l'échelle européenne
Le lycée agricole des Combrailles et le laboratoire micro-organismes génome environnement (UMR CNRS/université Blaise-Pascal/UDA 6023) sont partenaires d’un vaste programme européen dédié à l’apiculture durable en général et à la préservation et valorisation des abeilles domestiques noire et ibérique.
Avec eux, le projet Beehope réunit cinq partenaires sur un axe nord-sud : le laboratoire Évolution génome comportement et écologie de Gif-sur-Yvette, le centre d’études biologique de Chizé (CNRS), le centre INRA Poitou-Charentes, l’université basque d’Espagne et l’Institut polytechnique de Braganca (Portugal), les partenaires auvergnats.
Beehope a aussi pour vocation de créer une dynamique entre les citoyens, les apiculteurs, les élus, les scientifiques et les formateurs.
Ce vaste projet aura cinq objectifs principaux, dont : Constituer une réserve de diversité utilisable par l’industrie apicole et les apiculteurs.
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